Quand faut-il partir ?
Le Bateleur #47 [Édition gratuite d'octobre] - Tous les vendredis, des idées pour explorer la connaissance de soi et du monde. En 7 minutes de lecture - Gif et bande son inclus.
Une histoire de nouveau(x) départ(s)
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Let’s dig in! 👇🏻
Paris Dernière, Premier amour
Ah… Paris !
Tu as d’abord été pour moi, jeune adolescent provincial, un condensé d’images hertziennes que je captais tard le soir sur la chaîne Paris Première, dans une émission un peu folle consacrée à tes nuits.
Dans Paris Dernière, caméra au poing, l’animateur arpentait les cabarets, les théâtres de quartier, les arrières-salles de restos, les bars enfumés pour y croiser chanteurs, célébrités, people… Tout un tas d’espèces d’oiseaux de nuit dont je ne connaissais pas bien le nom, mais qui me fascinaient. S’en suivait de longues conversations dans des taxis qui traversaient les Grands Boulevards embouteillés. Ça buvait, chantait, bouffait, pour terminer, la plupart du temps… en club libertin.
Voilà, c’était ça Paris pour moi.
Une espèce de fête constante où l’on croisait des stars à chaque coin de rue et où tout le monde fumait et picolait sans modération.
Paris est une putain de teuf, aurait pu écrire Hemingway s’il avait rencontré Ugo Mola.
Le Buffalo Grill de la Porte d’Orléans > La Tour d’Argent
Jeune adulte, je débarque au fin fond du 14e arrondissement pour la première fois.
C’est l’endroit que tu réserves aux nouveaux arrivants. Tout au fond de la classe à côté du radiateur, comme si tu voulais d’abord qu’on te déteste.
Je me demande alors où sont tes stars. Elles ne sont pas au Buffalo Grill de Porte d’Orléans en tout cas. Tes wagons de métro surpeuplés et tes stages sous-payés me font déchanter.
Heureusement, on n’est pas seul dans ce bizutage, et c’est même là, dans ces mètres carrés partagés, que je commence à tisser de belles amitiés.
Les années passent, je te quitte une première fois, pour te retrouver ensuite avec plus d’entrain.
Je comprends alors que les bons quartiers, c’est comme les coins aux champignons en Ariège, tu ne les donnes pas comme ça aux premiers arrivants. Peut-être par fierté, sûrement par arrogance aussi.
Tu ne veux pas qu’on te prenne pour une ville facile.
Je t’aime enfin, donc je te quitte
Tu t’ouvres avec le temps à celles et ceux qui sont patients, si bien que je me surprends à me dire depuis quelques années : Paris, je t’aime enfin !
Preuve ultime de cet amour, je te défends corps et âme lors de réunions de famille devant un parterre qui ne voient que tes airs prétentieux et tes problèmes de congestion.
Paris, je t’aime enfin. Mais je te quitte.
Notre histoire d’amour a été brève et intense. Et c’est au moment précis où je t’ai le plus aimé qu’une question a surgi en moi brutalement, comme un arrêt d’urgence sur la ligne 4 : n’est-ce pas l’heure de partir ?
Partir pour ne pas fuir
Pourquoi partir quand on aime une ville ? Peut-être justement parce que c’est le bon moment.
Je crois que j’avais besoin de me dire que mon départ n’est pas motivé par la fuite, ni par le fantasme d’un ailleurs où tout serait mieux, où tous mes problèmes seraient réglés.
Partir quand on aime enfin, c’est partir pour grandir un peu plus, pour de nouvelles aventures.
On ne part pas en espérant que ça soit mieux, on part en se disant qu’on a aimé et que c’était bien, mais qu’il faut voir cet ailleurs, qu’il faut faire confiance à cet élan vital, à cette force magnétique qui nous attire vers le neuf sans trop savoir pourquoi.
Comment les saumons retrouvent leur rivière natale ?
Comment les oies suivent, années après années, le tracé des grandes routes migratoires ?
Il y a dans tous les animaux terrestres (humain compris) un lien invisible et puissant qui se tisse entre la Terre et nous. Il faut savoir l’écouter, sans trop l’intellectualiser.
À la recherche du mythe personnel
Les départs s’inscrivent dans la lignée du voyage du héros, du monomythe pour reprendre cette idée de Joseph Campbell.
C’est ainsi que l’écrivain américain appelle cette structure universelle qu’il considère comme commune à toutes les grandes épopées. De Star Wars aux contes de Charles Perrault, le grand cycle de l’aventure ressemble toujours plus ou moins à ça :
Ce schéma permet aussi de mieux comprendre ce que j’appelais les forces invisibles.
Cet appel à l'aventure est une sorte de murmure que l'on entend d'abord à peine, un chuchotement que l'on essaie de faire taire parce qu'il nous dérange. Parce qu'il remet en question nos certitudes, notre confort, tout ce que l'on croit maîtriser. C'est un appel à sortir de la routine, à affronter quelque chose de plus grand que soi.
Ce n'est pas un hasard si ce mythe du voyageur, de l'explorateur ou du héros traverse autant de cultures. Que ce soit Ulysse qui quitte Ithaque, Gilgamesh qui s'aventure dans les terres inconnues, ou même Neo qui fait le choix de la pilule rouge, il y a toujours un moment où le protagoniste doit abandonner le connu pour se frotter à l’inconfort du changement.
Paris n'était plus un défi, elle était devenue une compagne trop familière. Et c'est à ce moment précis que l'appel s'est fait entendre.
Partir à la rencontre de soi-même
Finalement, la clé du nouveau départ est peut-être là : partir, ce n’est pas rompre avec ce que l’on a aimé, c’est en reconnaître la beauté pour mieux la retrouver ailleurs sous d’autres formes, dans d’autres contrées, et finalement en soi-même.
Chaque départ est un rite de passage. Comme le héros de Campbell, nous répondons à l'appel de l'inconnu, non pas pour fuir, mais comme un prétexte pour parcourir le voyage ultime : le voyage intérieur, le voyage vers soi pour paraphraser l’excellent livre de Frédéric Lenoir qui démocratise la pensée de Carl Jung.
Car le voyage, s’il commence toujours à l'extérieur, nous ramène inévitablement à l'intérieur de nous-même, à affronter nos schémas de pensées et nos angoisses primaires.
Last call
Partir, finalement, ce n’est pas que laisser derrière soi des lieux ou des visages, mais se donner la chance de revenir à l'essentiel, d'effleurer ce que l’on est vraiment.
Paris restera là, avec ses lumières et ses nuits sans fin, comme une vieille amie à qui je rendrai visite avec tendresse.
Mais pour l'instant, c’est ailleurs que je vais construire un nouveau chapitre, prêt à me laisser surprendre par de nouveaux paysages, par d'autres rythmes de vie.
Ah au fait, partir où ça ? Quelque part où l’on colle des affiches comme ça 👇🏻
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🎧 The Cranberries • Dreams
Je me risque cette semaine à vous recommander un série, même si cette newsletter n’a pas vocation à devenir la page critique de Télérama.
Généralement, amour et Netflix ne font pas bon ménage, mais One Day fait exception. Comme la BBC le résume bien “just watch it”.
(Attention il y a un film tout naze qui porte le même nom. On parle bien de la série sortie en 2024.)
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Déménager fait partie du top 5 des traumas les plus importants à digérer pour un individu, même quand le déménagement est voulu.
Je me souviens d'une formation sur l'accompagnement au changement. Le formateur avait commencé l'atelier en nous demandant combien de fois nous avions déménagé. J'en étais déjà au nombre de 7, bien plus que mes collègues qui en étaient à 2, max 3.
D'après le formateur un nombre élevé reflétait la capacité d'adaptation de la personne au changement.
Qu'en penses-tu Kevin?