Ces compétences qui résistent à l’obsolescence humaine annoncée
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Soyez prêts : les littéraires s’apprêtent à contrôler le monde…
Je n’ai pas d’enfant, mais j’ai deux nièces de 4 ans et 18 mois. La plus grande pose souvent des questions qui mériteraient des pages entières de dissertation pour esquisser ne serait-ce que le début d’une réponse.
La dernière en date : “Quand est-ce qu’on sait qu’on est amoureuse ?”
Pris au dépourvu, j’improvise : “Tu devrais lire l’édition spéciale du Bateleur sur l’amour pour le savoir !”.
Et hop, une abonnée de plus. Merci la famille.
Il y a une question qu’elles ne m’ont pas (encore) posée, et qui m’interpelle : à quoi ressemblera leur vie à mon âge, c’est-à-dire… dans les années 2050 ? (Gloups, je vous laisse digérer ça.)
Dans un monde où l’obsolescence des techniques et savoirs s’accélèrent, où l’intelligence artificielle conquiert de plus en plus de territoires, quelles compétences humaines seront encore utiles dans 30 ans ?
Si elles me posaient cette question, je leur conseillerais d’investir du temps dans des compétences et savoirs à transformation lente.
De quoi parle-t-on ? C’est ce que je vais tenter de clarifier dans cet essai.
Let’s dig in! 🫡
Kevin
Les savoirs à obsolescence programmée
Je suis d’une génération où l’on nous martelait à l’école : “apprends à coder, c’est l’avenir !”
Oui, certes, les programmeurs ont connu leurs décennies dorées. Mais aujourd’hui, ils font face à une double menace existentielle.
D’un côté, les plateformes no-code rendent le codage inutile pour beaucoup de besoins basiques. De l’autre, l’intelligence artificielle commence à automatiser ce qui était autrefois réservé à des experts.
Même Sam Altman, le PDG d’OpenAI, l’a annoncé. D’ici 5 à 10 ans, le langage de programmation dominant sera... le langage naturel, autrement dit l’anglais.
Les mots deviendront la pierre angulaire pour créer de nouveaux systèmes.
Pourquoi ? Parce qu’on n’a pas créé de langage plus élaboré que le langage naturel pour décrire la complexité du monde réel et ses nuances.
Attention, cela ne veut pas dire que coder sera à la portée de n’importe qui, mais plutôt que les compétences attendues du programmeur de demain seront bien différentes de celles d’aujourd’hui.
La capacité à raisonner et à articuler des idées logiquement sera toujours plébiscitée, mais toute la spécificité technique est vouée à disparaître ou plutôt à être déléguée à la machine.
Je crois qu’on peut élargir la problématique. Citez-moi un savoir-faire technique qui ne risque pas d’être absorbé par l’intelligence artificielle ? J’attends.
La machine > L’humain qui joue à la machine
Depuis la révolution industrielle, la société a mis sur un piédestal l’humain-machine ultra productif.
On nous a entraînés et incités à devenir des machines performantes : calculer vite, coder, rationaliser, exécuter sans erreur…. pour concurrencer les machines.
L’école, et l’inconscient collectif en général, mettent en scène la supériorité intellectuelle des sciences dures (de la nature) contre les sciences molles (humaines et sociales), le banquier contre l’écrivain, le scientifique contre l’artiste.
Il y a derrière ça l’expression d’un fantasme caché : le rêve secret de devenir une machine infaillible… pour, peut-être, échapper à la mort ?
Sauf que la puissance actuelle de l’IA nous confronte à une réalisation brutale : une machine sera toujours plus performante qu’un humain qui joue à la machine.
Autrement dit, on a perdu la bataille. Il faut, pour ne pas être obsolète, se concentrer sur nos forces humaines inimitables.
lesmots.exe
Je ne crois pas à une société où l’IA travaillera à notre place, mais je crois plutôt à l’intégration de l’IA dans l’ensemble des corps de métier, de l’agriculteur à l’avocat, de l’enseignant au boucher.
Les IA ne feront pas tout pour nous. Mais elles sauront s’adapter à nos requêtes. Et la différence entre les individus se creusera sur la capacité qu’ils ont à penser et à formuler leurs idées avec nuance et précision.
Autrement dit, plus le vocabulaire utilisé sera riche, plus la potentialité d’action sera forte.
Les nouveaux programmeurs talentueux seront ceux qui maîtriseront plus de mots que la moyenne et qui sauront exprimer leurs idées avec clarté.
Quand je parle de la maîtrise de langue, ce n’est pas seulement le vocabulaire, c’est aussi :
La capacité de compréhension et de synthèse des idées.
La capacité d’expression claire, organisée et concise.
La capacité d’argumentation logique et structurée.
Small talk avec Elon
Pour appuyer un peu ma démonstration, j’ai imaginé cette expérience de pensée.
Imaginez ceci : le monde a été détruit, vous montez dans une fusée construite par Elon Musk (notre sauveur 🙏 ) qui vous emmène dans un nouveau monde.
Après les échanges de politesse sur la température de Mars au printemps, vous commencez à trouver le temps long à bord quand il se met à vous raconter ses derniers investissements crypto.
Heureusement, il vous charge d’une mission pour passer le temps : reconstruire la Terre grâce à un super-ordinateur qu’il a embarqué à bord.
Imaginez cette machine comme une sorte d’ imprimante 3D géante dont l’interface de commande comprend l’anglais.
Voilà, vous avez le potentiel de recréer notre planète Terre avec les mots.
Vous passerez sûrement des heures, des années peut-être, à lui dépeindre chaque nuance de lumière, la délicatesse unique de chaque pétale de fleur, la fraîcheur d’un flocon qui fond sur la langue, ou encore la subtilité des saveurs qui différencient une pomme d’une autre…
Vous réaliserez rapidement que la richesse de ce nouveau monde dépend de votre capacité à le décrire avec justesse.
Il me semble que c’est une belle métaphore pour comprendre le monde de demain.
Il appartiendra à celles et ceux qui auront mille mots pour décrire un coucher de soleil, à ceux qui sauront distinguer la nuance infinie des fleurs du printemps, à ceux qui auront les mots pour nommer chaque émotion avec précision.
Bref, à ceux qui maîtriseront l’art de l’expression claire et précise et qui seront capables de jouer avec les mots pour faire des interfaces un prolongement de leur imaginaire.
La puissance du monde que nous vivrons sera proportionnelle à notre capacité à l’imaginer et, surtout, à l’énoncer clairement.
En 2050, le monde sera celui des littéraires. Préparez-vous !
Je vous laisse avec cet extrait du Petit Prince, plein de poésie et de joie sur la capacité des mots à saisir l’essentiel, c’est-à-dire ce que les yeux sont incapables de voir.👇🏻
Si je vous ai raconté ces détails sur l’astéroïde B 612 et si je vous ai confié son numéro, c’est à cause des grandes personnes. Les grandes personnes aiment les chiffres.
Quand vous leur parlez d’un nouvel ami, elles ne vous questionnent jamais sur l’essentiel. Elles ne vous disent jamais : «Quel est le son de sa voix? Quels sont les jeux qu’il préfère? Est-ce qu’il collectionne les papillons?»
Elles vous demandent: «Quel âge a-t-il? Combien a-t-il de frères ? Combien pèse-t-il ? Combien gagne son père?» Alors seulement elles croient le connaître.
Si vous dites aux grandes personnes : «J’ai vu une belle maison en briques roses, avec des géraniums aux fenêtres et des colombes sur le toit…» elles ne parviennent pas à s’imaginer cette maison. Il faut leur dire: «J’ai vu une maison de cent mille francs.» Alors elles s’écrient : «Comme c’est joli!»
Le Petit Prince - Antoine de Saint-Exupéry
👁️🗨️ Et vous qu’en pensez-vous ? Quelles compétences humaines seront encore utiles en 2050 ? Les commentaires sont ouverts !
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Au commencement était le verbe. ✍️✍️✍️
Belle démonstration de l'indispensabilité du verbe et des compétences littéraires.