🎂 Un an de Bateleur : écriture, authenticité et poids de l’âme
Le Bateleur #49 [Édition spéciale première bougie] - Tous les vendredis, des idées pour explorer la connaissance de soi et du monde. En 7 minutes de lecture - Gif et bande son inclus.
Ce que j’ai appris en un an d’écriture hebdomadaire (enfin presque*)
Il y a un an, je lançais Le Bateleur.
Qu’est-ce qui a changé depuis ? Beaucoup et, en même temps, si peu. Ce projet est né d’une envie d’explorer, de questionner, de mettre en lumière des réflexions personnelles. Comme ouvrir mon carnet intime à ceux qui voudraient bien le lire.
Il y a quelque chose d’effrayant dans cette démarche, mais aussi d’extrêmement gratifiant.
Mes écrits m’ont permis de renforcer des liens avec mon entourage proche et de tisser des liens avec de parfait(e)s inconnu(e)s. J’ai remarqué que, plus j’y mettais du cœur, plus vous sembliez y trouver de la valeur. Et c’est ce que j’ai essayé de renforcer tout au long de cette année.
Mettre du cœur et de l’esprit dans cette rencontre hebdomadaire.
Votre engagement, à la fois financier et intellectuel, m’a donné plus de confiance et m’a permis d’avancer des idées avec plus de force et conviction.
Alors, à l'heure de cette première bougie, je voulais prendre un moment pour vous remercier, regarder en arrière et partager avec vous ce que j’ai appris sur le chemin…
C’est l’heure du bilan !
Let’s dig in! 👇🏻
Kevin
*Oui, presque hebdomadaire, car j’ai écrit 48 éditions. Quatre semaines de pause en un an… c'est quand même moins que le minimum légal !
1. L’âme humaine pèse de tout son poids
Dès le départ, il y avait ce paradoxe : lancer une newsletter à l’heure des premières IAs génératives - une armée de cerveaux automatiques prêts à écrire à la chaîne – semblait être une drôle d’idée.
Je me souviens encore de l’ouverture de cette première édition :
Lancer une newsletter à l’heure de l’IA générative, c’est comme…
…lancer un modèle d’attelage pour chevaux en 1908, quand la première voiture est sortie des lignes de production. Mauvais timing.
Avec le recul, cette entrée en matière me fait toujours sourire. Et ma conviction reste intacte : l’IA ne remplacera pas les écrivains. Elle est, et restera, un outil, puissant certes, mais qui ne peut produire que ce qu’on lui donne et à qui il manquera toujours ce grain et ces aspérités indispensables à la création de liens.
Cela me fait penser à cette expérience menée par un médecin américain qui voulait mesurer le poids de l’âme humaine.
En pesant des personnes sur le point de mourir, il a constaté une mystérieuse perte de 21 grammes, comme si le corps s’allégeait de l’âme au moment du dernier souffle.
C’est un peu ça, la différence entre un texte humain et un texte rédigé par une IA : le poids de l’âme.
Analysez-les froidement, et vous y verrez la même structure - une introduction, des parties, une conclusion. Deux jambes, deux bras, une tête. Pourtant, l’un est en vie et l’autre mort. Une différence infime en apparence, mais essentielle : le Styx qui sépare le vivant de l’imitation du vivant, le réel de la simulation.
Et là, tout de suite, j’ai envie de vous reparler de la philosophie de Baudrillard et de son analyse du triomphe de la simulation.
Mais on s’éloignerait un peu du sujet du jour… alors je préfère vous glisser le lien vers cet article que j’ai écrit et qui en parle en profondeur.
2. Écrire un bon texte une fois est “facile”, maintenir la qualité constante est difficile.
On dit souvent que les premiers romans d’écrivains ou les premiers albums d’un groupe de musique sont les meilleurs.
Peut-être parce qu’ils concrétisent des années de réflexion, des années à écrire, à composer dans sa tête. Des années à se dire : tiens quand j’écrirai, je parlerai de ça et de ça. Tiens mon premier album sera comme ceci et comme ça.
Lorsqu’on se confronte au succès une première fois, le vide surgit après : il faut renouveler l’exploit.
J’ai eu une certaine facilité à écrire les dix premières éditions. Parce que je les avais quasiment déjà écrites dans ma tête (et j’avais aussi concrètement un réservoir de notes à utiliser).
Le challenge a commencé quand je suis tombé à sec d’idées. Mais aussi et surtout, quand je n’avais plus forcément envie ni besoin d’écrire. Car je vous le confesse : écrire est parfois une contrainte, voire une souffrance pour moi.
Paradoxalement, c’est me confronter à cet inconfort qui m’a fait grandir.
Comme un sportif qui répète les entraînements, j’ai sanctuarisé ce rendez-vous du vendredi. Figé comme un piquet qu’il faut honorer quelle que soit la saison, les émotions et les envies. Écrire coûte que coûte m’a fait largement progresser.
J’ai envie ici de paraphraser notre Léon Marchand national que j’ai entendu dans une interview après ses exploits du mois d’août.
Une grande finale ne se gagne pas le jour J, elle se gagne les samedis matin d’un mois de novembre pluvieux, quand il faut sauter dans l’eau à 6h du matin, quand personne n’est là pour applaudir, quand tout votre corps vous dit de rester au fond du lit. Elle se gagne dans l’addition de ces petits moments où l’on repousse un peu plus loin l’envie d’abandonner. Continuer juste 200m de plus à nager.
Juste un paragraphe de plus, juste une édition de plus…
Et lorsque le plaisir revient, lorsque tout est fluide et facile à nouveau, on comprend que ces moments de souffrance n’ont pas servi à rien. Ils sont le socle de tous les succès à venir.
3. Avoir confiance, c’est assumer ses idées et parler en son nom
Si beaucoup de choses n'ont pas changé, une chose s’est transformée en profondeur : ma présence dans cette newsletter.
Au départ, je m’appuyais souvent sur les idées d’auteurs reconnus, une sorte de dissertation qui mettait en avant les pensées d’autrui plus que les miennes. Citer Nietzsche ou un autre grand nom, c’était une manière d’apporter du poids à mes réflexions, de dire : « Regardez, ce n’est pas seulement moi qui pense ça. »
En rhétorique, on appelle ça un argument d’autorité. J’en ai largement usé.
Mais au fil du temps, j’ai pris conscience que penser par soi-même, c’est parfois s’aventurer dans la réflexion sans bouée de sauvetage. C’est accepter d’avancer des idées qui nous appartiennent entièrement, même si elles sont imparfaites ou incomplètes.
C’est une forme de prise de risque, celle de l’erreur possible, mais aussi celle de l’authenticité.
Cela ne veut pas dire que j’ai envie d’avoir des opinions tranchées ou de jouer aux polémistes. J’aime naviguer dans les nuances, explorer les subtilités d’un sujet sans nécessairement le réduire à une conclusion.
J’aime l’idée d’avoir une forte opinion nuancée, une position qui reconnaît la complexité du réel et qui, loin des extrêmes, essaie de trouver un équilibre.
En osant me détacher de ces "arguments d’autorité", j’ai découvert une liberté d’expression plus grande, une capacité à explorer des idées plus personnelles. Cela m’a aussi permis de renforcer le lien avec vous.
Car, en fin de compte, ce qui donne de la valeur à cette newsletter, ce n’est pas tant la véracité académique que l’honnêteté de l’intention.
Au fil de cette année, Le Bateleur est ainsi devenu plus qu’un espace de réflexion : un lieu où je peux me permettre d’être pleinement moi, et où j’espère que vous aussi, vous trouverez des échos à vos propres pensées.
4. Entre art et produit, il faut choisir
Dans l’une des premières éditions du Bateleur, je vous partageais cette grille de lecture de Rick Rubin, co-fondateur du label Def Jam Recordings, qui a produit certains des plus grands artistes de ces dernières décennies.
Rubin pointe du doigt une réalité douloureuse : la musique moderne manque de sincérité parce que, bien souvent, les artistes suivent une logique commerciale. Ils se demandent : « Que dois-je faire pour être écouté et pour maximiser mes revenus ? » Le résultat de cette démarche est la création d’un produit, quelque chose qui cherche à répondre à une demande, à remplir un vide commercial.
Mais une œuvre d’art, elle, naît d’un tout autre espace. Elle est l’expression désintéressée de son auteur, une voix sincère, sans compromis.
Cette tension entre créer une œuvre et proposer un produit m’a toujours interpellé. Construire quelque chose qui plaît au plus grand nombre, ou rester fidèle, coûte que coûte, à ma vision ?
D’un côté, il y a l’idée qu’en suivant une formule éprouvée, je pourrais toucher davantage de monde. Je pourrais passer plus de temps sur Instagram à faire des réels, écrire plus de posts LinkedIn inspirants, faire plus de choses qui ne me ressemblent pas et me font ch**er.
Mais de l’autre, il y a la force de l’authenticité. Cette démarche plus risquée de s’exprimer dans des longs formats dans une époque où l’hyper court et l’impactant sont plébiscités.
J’ai choisi de créer quelque chose qui me ressemble, même si cela ne trouve pas immédiatement son écho. C’est aussi ma manière d’entrer en résistance face aux dérives de notre époque.
Finalement, je crois que Le Bateleur est pour moi l’occasion d’explorer le chemin de l’authenticité. De choisir, semaine après semaine, de persister dans une démarche sincère.
Si Le Bateleur doit être quelque chose, j’aimerais qu’il soit avant tout un espace de liberté, un lieu où l’on peut explorer et où l’art prime sur le produit.
Ce choix, je le fais aussi pour vous qui revenez chaque semaine, non pour une formule parfaite, mais pour cette voix qui, parfois, prend des chemins inattendus.
🗄️ Les trois premières éditions du Bateleur sont à relire gratuitement ici :
📗 Édition #1 - Le facteur qui a inspiré Picasso
📘 Édition #2 - Pourquoi il ne faut présumer de rien
📕 Édition #3 - Ode à la polymathie, Apprendre à déjouer le cerveau primitif
🎧 Bloc Party • The Pionners
All you need is time
If it can be broke, then it can be fixed
If it can be fused, then it can be split
It's all under control
C’est déjà la fin ! 🥲 Si ça vous a plu, pensez à partager cette édition par e-mail, SMS, pigeon voyageur… ou partagez simplement la page d’inscription du Bateleur. ❤️
🙏🏼 Un grand merci pour votre lecture et votre soutien sans faille. On se retrouve vendredi prochain 👋
✍🏻 Un feedback à me faire ? Une question à poser ? Vous pouvez répondre directement à cet e-mail.
J'ai adoré te suivre sur des chemins inattendus Kevin. J'ai perçu la progression que tu évoques sur les références d'autorité et je savoure chaque semaine ton courage de nous livrer tes pensées. Vivement la suite!
Bon anniversaire au Bateleur!